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Réforme de la procédure de divorce : le projet

Entre l’avant-projet et le projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022 actuellement en cours d’examen au Conseil d’État, les dispositions réformant la procédure de divorce ont été modifiées sur divers points, à l’initiative notamment des organes représentatifs de la profession d’avocat.

S’agissant de la saisine du juge, l’unique alinéa de l’article 251 nouveau du Code civil de l’avant-projet prévoyait qu’« un époux peut introduire l’instance ou former une demande reconventionnelle pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute ». Les praticiens du droit de la famille avaient fait observer qu’une telle disposition pouvait avoir pour effet de conduire l’époux demandeur à exposer les griefs qu’il pouvait avoir à l’encontre de l’autre, ce qui allait à rebours de la lettre et de l’esprit de la loi du 26 mai 2004 qui avait interdit l’énonciation des motifs du divorce dans la requête initiale. Avec succès puisque la part des divorces pour faute est passée de 37 % en 2004 à 10 % en 2010 selon les statistiques de l’Insee. Ce taux serait aujourd’hui de l’ordre de 5 %.

La Chancellerie a pris acte de ces observations et rajouté un second alinéa au nouvel article 251 ainsi rédigé : « Un époux peut également introduire l’instance en divorce sans préciser le cas sur lequel il fonde sa demande. Dans cette hypothèse, ce fondement doit être exposé dans les premières conclusions au fond ». Il permet d’éviter que la procédure n’envenime le débat puisque, concrètement, les motifs du divorce ne seront exposés que postérieurement aux éventuelles mesures provisoires. Reste que l’alinéa 1er permet un époux de déposer une demande de divorce pour faute avant d’éventuelles mesures provisoires, ce qui est impossible en l’état du droit actuel.

Si la phase de conciliation disparaît, les mesures provisoires subsistent, à condition d’être demandées par voie d’incident dans le cadre de la mise en état. Il en résulte que le prononcé du divorce pourra intervenir sans avoir été précédé de mesures provisoires. Alors que, dans une lettre du 16 mars dernier adressée au Conseil national des barreaux, la Chancellerie s’était engagée à ce qu’une demande de mesures provisoires donne lieu à une audience au cours de laquelle la comparution des parties et l’assistance chacune d’un avocat seraient obligatoires (notamment en présence d’enfants mineurs), le projet n’a pas été modifié sur ce point. Il pourrait l’être par voie d’amendement au cours des débats parlementaires.

Le projet a également modifié les articles 233, alinéa 3 (divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage), 238 (divorce pour altération définitive du lien conjugal), 246 (divorce pour faute), 247-2 et 247-3 (« passerelles » procédurales, l’article 247-3 étant nouveau) du Code civil. En particulier, il est prévu que le délai de cessation de communauté de vie de deux ans dont résulte l’altération du lien conjugal s’apprécie non plus lors de la demande de divorce mais lors son prononcé (art. 238).

Outre la suppression logique de la « requête » des mesures relatives au divorce, on relève également le remplacement systématique de l’« assignation » par le terme plus générique de « demande ». La raison en est, comme on le comprend à l’exposé des motifs, la volonté de simplifier « la saisine des juridictions par la création d’un acte de saisine unifié » dans les procédures civiles. L’article 14 du projet vise ainsi à autoriser le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance afin d’harmoniser le « En la forme des référés ». Il semble cependant que l’objectif d’unification poursuivi par le législateur aille au-delà de la seule procédure en la forme des référés.

Il est rappelé que le projet comporte d’autres dispositions relatives au droit de la famille : suppression du délai de deux ans durant lequel les époux ne peuvent apporter de modification à leur régime matrimonial ; suppression de l’exigence d’homologation judiciaire systématique du changement du régime matrimonial en présence d’enfants mineurs ; mise en place d’une expérimentation visant à offrir aux parents la possibilité d’obtenir plus rapidement un titre exécutoire portant sur le seul montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants mineurs par application d’un barème ; possibilité pour le notaire de rédiger l’acte de notoriété constatant la possession d’état en matière de filiation ; suppression du contrôle préalable du juge pour l’accomplissement de certains actes en matière de tutelle ; instauration d’une passerelle entre les mesures de protection judiciaire et l’habilitation familiale dans certains cas ; modification des modalités de la vérification et de l’approbation des comptes de gestion des tuteurs, curateurs et mandataires spéciaux désignés dans le cadre d’une sauvegarde de justice lorsque leur mission s’étend à la gestion des biens du majeur protégé ; mesures permettant l’exécution forcée par le parquet des décisions du juge aux affaires familiales…

Projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022