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Clause potestative dans un legs conditionnel et extension de l’interruption de la prescription d’une action

Publication, dans la Gazette du Palais du 6 décembre 2016, d’une décision dans laquelle la Cour de cassation admet la potestativité dans les legs conditionnels et fournit une illustration de l’extension de l’interruption de la prescription d’une action à une autre.

Gabrielle X décède le 3 septembre 2003, laissant pour lui succéder son époux, Marcel Y, et leur fille, Mme Christiane Z Le 7 juin 2004, ces derniers signent un acte de partage de la communauté ayant existé entre les époux et de la succession de Gabrielle X. Marcel Y décède le 13 décembre 2005, laissant pour lui succéder sa fille et son fils, M. Philippe Y, en l’état d’un testament authentique établi le 24 novembre 2005 et contenant une clause précisant « qu’à défaut pour mes deux enfants Christiane et Philippe de se mettre d’accord lors du règlement de ma succession et de respecter mes volontés, je lègue à Philippe la plus forte quotité disponible de ma succession ».

Par requête déposée le 27 juillet 2007 auprès du tribunal d’instance de Saint-Avold, Mme Z demande l’ouverture des opérations de partage judiciaire de la communauté ayant existé entre ses deux parents et de la succession de sa mère. M. Philippe Y sollicite de son côté l’extension des opérations de partage à la succession de Marcel Y.

Par ordonnance du 7 novembre 2007, le tribunal d’instance accueille ces demandes et désigne deux notaires pour procéder aux opérations. Le 13 mars 2008, Mme Z apprend que son père aurait dissimulé des actifs lors de la signature de l’acte de partage du 7 juin 2004. Des difficultés s’étant élevées, elle assigne M. Philippe Y devant un tribunal de grande instance, le 16 juillet 2009. Par conclusions signifiées le 13 mai 2014, elle demande l’annulation de l’acte de partage signé avec son défunt père.

Déboutée en première instance, elle demande en appel la rescision du partage du 7 juin 2004 pour cause de dol et de lésion en soutenant que son père avait dissimulé des récompenses dues à la communauté. À titre reconventionnel, M. Philippe Y invoque la clause d’exhérédation pour solliciter que lui soit attribuée la quotité disponible de la succession de son père. Il obtient gain de cause devant la cour d’appel. Mme Z forme un pourvoi en cassation articulé autour de deux moyens.

La Cour de cassation rejette le second moyen, qui vise à contester l’application de la clause d’exhérédation, estimant notamment « qu’aucune disposition légale ne prohibe l’insertion, dans un testament, d’une condition faisant dépendre le droit d’un des héritiers dans la quotité disponible d’un événement qu’il est du pouvoir de l’autre de faire arriver ou d’empêcher ».

En revanche, elle accueille le premier moyen, cassant l’arrêt des juges du fond en ce qu’il a jugé irrecevable comme prescrite la demande d’annulation du partage formée par Mme Z. Elle rappelle d’abord, au visa des articles 887, 1304 et 2244 anciens du Code civil, que « si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ». Or, en l’espèce, relève-t-elle, « la demande en partage judiciaire de la communauté ayant existé entre ses parents et de la succession de sa mère tendait au même but que l’action en rescision du partage amiable de cette communauté et de cette succession », de sorte que la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Un commentaire de cet arrêt a été publié dans la Gazette du Palais du 6 décembre 2016.

Cass. 1re civ., 5 oct. 2016, n° 15-25.459