Pas de rapport pour les biens objet d’une donation-partage
Les biens qui ont fait l’objet d’une donation-partage ne sont pas soumis au rapport, y compris lorsqu’ils résultent de l’incorporation de donations antérieures consenties en avancement de part successorale.
Le 31 juillet 1987, une mère fait donation en avancement de part successorale d’une somme de 450 000 francs (68 602 €) à l’un de ses deux fils. Celui-ci acquiert, au moyen de ces fonds, un bien immobilier au prix de 1 145 000 francs (174 554,12 €). Le 16 juin 1992, les époux consentent une donation-partage à leurs deux fils en précisant qu’à cette date, l’appartement a une valeur de 1 300 000 francs (198 183,72 €) et qu’afin d’égaliser les lots entre les copartageants, son bénéficiaire doit le rapport de la somme de 510 920 francs (77 889,25 €). Au décès de la mère, des difficultés surviennent entre les deux fils pour le règlement de la succession.
Dans un arrêt du 2 mars 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonne le rapport à la succession de la valorisation de la donation du 31 juillet 1987, ainsi qu’une expertise aux fins de renseigner sur la valeur foncière au jour le plus proche du partage et la valeur locative du bien immobilier. Elle énonce qu’en application des dispositions de l’article 860-1 du Code civil, le rapport d’une somme d’argent est égal à son montant, mais que toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de celui-ci, dans les conditions prévues à l’article 860 du même code, le rapport devant se calculer sur la base de la valeur actuelle du bien immobilier au prorata du montant de la donation par rapport au prix d’acquisition. Elle relève également que l’estimation fixée à la date de la donation-partage est trop ancienne pour apprécier la valeur de l’appartement au jour du partage, aucune évaluation récente émanant d’agences immobilières n’étant communiquée aux débats.
La Cour de cassation casse la décision des juges du fond dans un arrêt du 4 juillet 2018 au motif que les biens qui ont fait l’objet d’une donation-partage ne sont pas soumis au rapport, qui n’est qu’une opération préliminaire au partage en ce qu’il tend à constituer la masse partageable, et que ces dispositions s’appliquent aussi à ceux qui, donnés en avancement d’hoirie, sont ensuite inclus dans une donation-partage postérieure. Dès lors, la cour d’appel a violé l’article 843 du Code civil en faisant application des règles relatives au rapport alors qu’il ressortait de ses constatations que la donation du 31 juillet 1987 avait été incorporée dans la donation-partage du 16 juin 1992, de sorte qu’elle n’était plus soumise au rapport.
Le présent arrêt rappelle que le rapport est une opération de partage qui, pour cette raison, n’a pas lieu de s’appliquer aux biens déjà partagés par une donation-partage, peu important que ces biens résultent ou non d’une incorporation de donations antérieures.
Un commentaire de cet arrêt a été publié dans la Gazette du Palais du 25 septembre 2018, page 21.