Enfants

Kafala : la nationalité française de l’enfant ne résout pas tout

Double rappel : le prononcé de l’adoption plénière requiert le consentement des parents d’origine ; la déclaration judiciaire d’abandon suppose un désintérêt volontaire des parents et non la seule impossibilité pour eux de subvenir aux besoins de l’enfant.

Deux époux recueillent en kafala un enfant marocain. Après avoir souscrit une déclaration de nationalité pour leur enfant, ils sollicitent son adoption plénière après qu’un conseil de famille a, en France, donné son consentement et désigné un tuteur ad hoc aux fins de représenter l’enfant. Las ! Leur requête est rejetée par les juges du fond qui se sont appuyés sur la loi marocaine. À tort puisque, comme le rappelle la Cour de cassation, « les conditions de l’adoption de l’enfant devenu français sont régies par la loi française conformément à l’article 3 du Code civil ». Hélas pour la famille, deux motifs tirés du droit français s’opposaient également au prononcé de l’adoption, d’où le rejet du pourvoi par substitution de motifs.

En premier lieu, en application de l’article 347, 1°, du Code civil, l’adoption plénière ne peut être prononcée que si les parents d’origine donnent leur consentement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Pour y remédier, les époux avaient sollicité l’autorisation du conseil de famille, ce qui n’est possible que sous certaines conditions. En effet, ainsi que l’indique la Cour de cassation dans la présente décision, « en vertu de l’article 348-2 du (Code civil), le consentement à l’adoption ne peut être donné par le conseil de famille que lorsque les père et mère de l’enfant sont décédés, dans l’impossibilité de manifester leur volonté ou s’ils ont perdu leurs droits d’autorité parentale ou encore lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie ». Or, aucune de ces conditions n’était satisfaite en l’espèce.

En second lieu, le pourvoi avait tenté de faire valoir que les conditions d’application de l’article 350 du Code civil étaient remplies. On sait que, selon ce texte, les enfants ayant fait l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon peuvent adoptés. Or, en l’espèce, avant d’être remis en kafala, l’enfant avait été jugé « délaissé » par sa mère, faute pour celle-ci de pouvoir subvenir à ses besoins. Les époux recueillants estimaient que ce jugement valait déclaration judiciaire d’abandon. Comme les juges du fond, la Cour de cassation se montre d’un avis contraire, indiquant que l’« abandon » visé par l’article 350 suppose, selon une jurisprudence constante, un « désintérêt volontaire » pour l’enfant de la part de ses parents, qui n’était pas établi ici.

Un commentaire de cet arrêt a été publié sur le site Lexis 360.

Cass. 1re civ., 4 déc. 2013, n° 12-26.161