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Interdiction de procéder à une déclaration de créance anticipée en cas d’acceptation à concurrence de l’actif net

Couv_Gaz_PalUne femme décède le 27 mars 2009, laissant sa fille pour lui succéder. Quatre mois avant son décès, elle est condamnée à verser une indemnité à une société. Le 28 août 2009, celle-ci signifie le jugement au notaire chargé du règlement de la succession. Le 3 novembre 2009, la fille accepte la succession à concurrence de l’actif net et élit domicile chez ce notaire. Sa déclaration est publiée au Bodacc le 23 novembre 2012 par le greffe du tribunal. La créance de la société, qui n’a pas été déclarée dans le délai de quinze mois à compter de cette publication, est déclarée éteinte par la cour d’appel de Toulouse.

La société créancière conteste cette décision. Relevant que l’article 792 du code civil n’assortit la déclaration de créance d’aucune formalité, elle estime dans son pourvoi en cassation que l’expression de la volonté du créancier de réclamer le paiement de sa créance suffit, « peu important que cette expression intervienne avant que n’ait commencé à courir le délai de quinze mois, à compter de la publicité nationale de la déclaration par l’héritier de l’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net, prévu par les articles 788 et 792 du code civil ». Elle en déduit que « la notification au domicile élu de la succession du jugement constatant la créance du créancier vaut déclaration de créance ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle d’abord que, selon les articles 788 et 792 du code civil, lorsque la succession a été acceptée par un héritier à concurrence de l’actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession, lequel est indiqué dans la déclaration d’acceptation de l’héritier ; que le délai de déclaration des créances soumises à cette formalité, d’une durée de quinze mois, court à compter de la publicité nationale dont fait l’objet la déclaration d’acceptation de l’héritier ; que, selon l’article 796 du même code, les créanciers tenus de déclarer leurs créances sont désintéressés dans l’ordre des déclarations. Elle en déduit ensuite que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la signification du jugement effectuée avant la publication au Bodacc de l’acceptation à concurrence de l’actif net l’avait été en méconnaissance de la procédure spécifique instituée en la matière et qu’elle aurait pour effet de faire bénéficier ce créancier d’une priorité de paiement illégitime par rupture d’égalité devant la loi. Il en résulte que cette signification ne pouvait valoir déclaration de créance, au sens de l’article 792 du code civil, et que, dès lors, la créance était éteinte.

Un commentaire de cet arrêt a été publié dans la Gazette du Palais du 10 mai 2016.

Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-10.799