Couple

Récompenses, charges de jouissance et industrie personnelle d’un époux

Les dépenses résultant de la gestion courante d’une entreprise appartenant en propre à un époux commun en biens, tel le remplacement d’un matériel amorti, sont des charges de jouissance qui incombent à la communauté. Par ailleurs, le calcul de la récompense due à la communauté qui a contribué à la plus-value d’un bien propre doit prendre en compte la part de l’industrie personnelle de l’époux propriétaire dans cette plus-value.

Un époux commun en biens, qui exploitait une entreprise agricole qui lui était propre, avait acquis du matériel nécessaire à son activité. Le caractère propre de ce matériel, par voie d’accessoire, n’était pas contesté. Le financement avait été assuré des prêts contractés par les époux, partiellement remboursés au moment de la dissolution de la communauté par les revenus de l’entreprise, donc par des fonds communs. Pour faire droit à la demande de l’épouse qui invoquait un droit à récompense au profit de la communauté, la cour d’appel a retenu que ce matériel, « dont une partie a accru le patrimoine de l’exploitation et l’autre a remplacé le matériel déjà présent lors du mariage, a été payé à l’aide des revenus de cette exploitation et non pas à l’aide des salaires de l’épouse ».

Par un moyen relevé d’office, la Cour de cassation a cependant cassé la décision des juges du fond, estimant qu’« en reconnaissant à la communauté un droit à récompense pour l’ensemble du matériel acquis en cours d’union, alors qu’il ressortait de ses constatations que cette acquisition se rattachait partiellement à la gestion courante de l’exploitation », ils avaient violé les articles 1401, 1403 et 1437 du Code civil. En effet, selon les hauts magistrats, « il ressort de ces textes que la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens et que leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu’il a été fait avec des fonds communs. Il s’ensuit que n’ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté le paiement, au moyen des revenus bruts d’une exploitation agricole propre à un époux, des dépenses résultant de la gestion courante de celle-ci, tels le remplacement d’un matériel amorti ou l’entretien des biens mobiliers ou immobiliers affectés à l’exploitation ».

L’épouse invoquait également des récompenses en faveur de la communauté au motif que des fonds communs avaient permis de financer, d’une part, la construction d’une maison et, d’autre part, l’édification d’un hangar sur des terrains appartenant en propre au mari. S’agissant de la maison, la cour d’appel lui avait donné raison en retenant que cette récompense ne pouvait être « moindre que le profit subsistant, d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de la construction ». Dans son pourvoi incident, le mari reprochait aux juges du fond de ne pas avoir tenu compte de travaux qu’il avait personnellement effectués avec l’aide de proches.

L’arrêt d’appel est cassé, au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, pour n’avoir pas répondu aux conclusions du mari. La Cour de cassation précise que « la récompense réclamée par [l’épouse] devait donc être diminuée de l’industrie ainsi déployée, de sorte qu’il convenait de déterminer, pour fixer le montant de la récompense, la fraction de la plus-value procurée au bien par cette construction qui était rattachable à l’utilisation des seuls matériaux financés par la communauté ». L’absence de ventilation revenait en effet à mettre indirectement à la charge du mari une récompense à raison de son industrie personnelle.

La suite de cet article a été publiée sur le site Lexis 360.

Cass. 1re civ., 13 oct. 2021, n° 19-24.008